Extrait de "L'Avenir de l'Artois Magazine" de Novembre 2000

ACTEUR DE L’HISTOIRE

Vécu. Il y a des gens qui vivent l'Histoire, l'abbé Lorent appartient à ceux qui la font. Cet enfant de Billy Montigny reste une figure emblématique de la Résistance sur les secteurs de Lens et de Béthune et un enseignant qui a marqué son temps. Mais l'abbé, Lorent symbolise bien d'autres engagements...

Personnage atypique, l'abbé Lorent a su tout au long de sa carrière se conformer à ses convictions, sans jamais trembler devant quiconque. Partout où ce petit homme, doté d'un charisme et d'un caractère hors du commun, passe, on se souvient de lui. Jeune, il a fréquenté le collège Saint-Vaast de Béthune. « Mon idéal était d’entrer soit dans l'armée, soit de devenir médecin. Dans les deux cas, le dévouement passe avant tout ». Finalement, il suivra le choix du cœur en optant pour les ordres : « J'ai lu un jour une encyclique qui s'intitulait Rerum Novarum. J'y ai découvert les conditions de vie de la classe ouvrière. A partir de cet instant je me sentais dans un état de révolte et j'ai décidé me mettre au service de la classe ouvrière ».

Bon élève, Georges Lorent accède au séminaire à l'âge de 17 ans et obtient d'excellents résultats. Au moment d'être ordonné en 1933, sa volonté est clairement affichée: « je souhaitais être nommé vicaire dans les mines !». Cependant, le supérieur du Grand séminaire, qui imagine une carrière bien plus prestigieuse pour un prêtre aussi brillant, impose à Georges Lorent une alternative : ce sera Rome ou l'enseignement. Le professorat aura ses faveurs et après un passage a l'ICAM, il revient à ses premières amours : le collège Saint-Vaast. L'Abbé révolutionnera l'enseignement traditionnel, il instaurera la pratique de l'éducation physique dans les plannings scolaires : natation et mouvements de gymnastique font l'unanimité chez les élèves. L'Abbé parvenait à faire aimer la méditation aux collégiens, en abordant des thèmes de la vie quotidienne. Cette période heureuse allait bientôt être troublée par la guerre. Conscient du danger que représente le nazisme, L'Abbé Lorent, après un séjour en Pologne, s'engage dans l'armée française. Suite à la défaite, il revient, non sans mal et avec beaucoup de culot, au collège Saint-Vaast de Béthune. Visionnaire, Georges Lorent condamne le gouvernement de Vichy et intègre un groupe de Résistants qui se réunissaient au «café du Nord». « Nous avions organisé une filière d'évasion des pilotes anglais. Nous les cachions, nous les emmenions en zone libre puis en Espagne ».

Il a frôlé la mort

Le groupe de résistants composé également du charcutier béthunois et convoyeur M. Henneton, sera dénoncé aux Allemands. M. Henneton sera fusillé, d'autres, comme Mme Leleu ou le Docteur Gravelines seront déportés.

« Je me demande encore aujourd'hui pourquoi j'ai échappé aux arrestations. Peut-être que les délateurs avaient des scrupules à l'idée de livrer un membre du clergé.» Toujours est-il que l'abbé Lorent n'est plus en sécurité à Béthune et il décide de « s'enterrer dans le bassin minier ».

En mars 1943, la paroisse de la cité 10 de Sains-en-Gohelle est libre et l'Abbé Lorent y entame une nouvelle vie. « A mon arrivée dans le presbytère, il ne restait qu'un portrait de Pétain fixé sur l'un des murs! ».

Malgré cette «mise au vert», il n’abandonne pas pour autant sa lutte quotidienne contre l'envahisseur. Au contact de grands résistants tels que le Lensois René Lannoy ou le Bullygeois René Playe, il côtoie les groupes de FTP du secteur de Lens avant de devenir l'un des principaux responsables. La Résistance évolue vers une Résistance de combat, l'espoir d'une reconquête du territoire national anime alors des centaines d'hommes. Attaques de trains, de commissariats, chasse aux munitions... composent le lot quotidien de l'abbé Lorent et de ses hommes. « Nous passions plus de nuits éveillés qu'à dormir. J’ai souvent échappé de peu à la mort. Un jour avant qu'on me fouille, j’ai caché mon revolver dans le tablier d’une Sœur ». Le groupe de Georges Lorent combattit au Mont-Sans-Pareil et à Courcelles-les-Lens où il fut blessé au bras droit. 

Au sortir de la guerre, l'abbé arpentera les quatre coins de la région, tenant des conférences au cours desquelles il revint sur la Résistance et évoqua le respect de la personne humaine. Son vœu le plus cher s'exauça : il était enfin au service de la cause ouvrière. Maire de Sains-en-Gohelle de 1945 à 1959, il s'attacha à améliorer les conditions de vie des mineurs. Il fût à l'origine de la cité des Castors qui permit de loger décemment toutes les familles de la commune. L’Abbé fit découvrir les vacances aux ouvriers, en amenant des mineurs au bord de la mer à Lesconil puis des enfants défavorisés à Concarneau. Cet été, pour la 52e fois, il organisait une colonie de vacances au Cabellou en Bretagne. A 90 ans, il continue de servir son prochain dans sa bonne cité 10 et ne quittera son église place Lyautey pour rien au monde. « Servir » terme qu'il respecte depuis toujours à tel point qu'il l'a fait graver sur son calice.

JEAN-PHILIPPE SIWEK

 


CV EXPRESS

D'OÙ JE VIENS : Né en 1910 à Billy-Montigny, à l'heure actuelle, je vis à Sains, ma commune d'adoption.

QUI JE SUIS : Prêtre depuis 1933, je suis un Homme qui a beaucoup à faire découvrir et partager.

CE QUE JE FAIS : Toute ma vie j'ai servi et je continue à servir tes autres. Enseignant Résistant maire, j’ai tenté d'améliorer les conditions de vie des ouvriers.